samedi 31 mars 2018


Casting sauvage Hubert Haddad éditions Zulma


Ancienne danseuse professionnelle, Damya a été touchée au genou par une balle, un certain 13 novembre 2015, alors qu'elle buvait un verre à la terrasse d'un café.
Depuis, elle ne danse plus, mais ne s'enferme pas dans le regret. Restée dans le milieu artistique, dans le cinéma en particulier, elle est chargée de "recruter" une centaine de figurants qui joueront le rôle de déportés de retour des camps en 1945. 
En plein Paris, Damya se lance à la rencontre de personnes fragiles, en marge, affaiblies ou isolées pour leur proposer ce rôle de figurant, qui pour certains représente une chance inouïe d'être reconnus et de donner un sens à leur vie. Lors de ce "casting sauvage", Damya en réalité se cherche elle-même, et se perd dans cette quête du figurant, personnage maigre, silencieux et au visage affecté. Qui est-elle pour recruter de tels acteurs?

"Paris regorgeait d'exilés que personne n'attendait nulle part. Ils allaient innombrables, hommes et femmes pour tous invisibles, n'espérant rien que la miséricorde des rues. Certains se cachaient si bien au sein des foules que l'antique faucheuse eût pu les y cueillir en toute discrétion. D'autres au contraire les fuyaient, ne pouvant assumer la moindre attention, serait-ce d'un enfant ou d'un chien."

Avec une poésie et un style incroyable, Hubert Haddad livre un portrait de Paris à la fois magnifique et désolant. Ses personnages sont tantôt mélancoliques tantôt stimulants. Les phrases s'entrechoquent dans un style qui donne à ce roman une belle voix engagée pour le monde artistique, ses qualités et ses failles.


L'infini voyage de Sachie Hattori, éditions Le lézard noir,15



Vous serez curieux d'apprendre dans cet album le voyage que vous avez fait avant de naître. Un voyage incroyable et infini, que vous avez entrepris avec d'autres petits êtres comme vous, tout juste mobiles dans le ventre de vos mères. Un voyage sans peurs, sans colères, une épopée pure et remplie de confiance en l'avenir.
Le dessin bucolique de Sachie Hattori nous montre qu'avant même de venir au monde nous étions déjà des êtres courageux, conscients que la vie n'allait pas être facile pour tous mais que nous tenterions de l'accepter du mieux que nous pouvons.
L'infini voyage est une jolie découverte des éditions Le lézard noir, excellente maison que nous affectionnons particulièrement à La Librairie Générale. Si vous ne connaissez pas encore, c'est le moment se vous dépayser et de découvrir des parutions en BD, jeunesse et Manga, créations originales venues d'Asie, autant de coups de cœur que nous sommes fiers de soutenir.
C'est l'occasion de vous annoncer la prochaine manifestation de la librairie: les 48h de la BD! Le week-end prochain, les 6 et 7 avril, la bande dessinée sera mise à l'honneur dans nos murs, avec une sélection de Bandes Dessinées à prix réduit. Pour plus d'informations, consulter ce lien: http://www.48hbd.com/librairie/la-librairie-generale/



vendredi 23 mars 2018

Invitation à déguster une boisson chaude pour clôturer l'hiver et célébrer le printemps!







Pour les amatrices et les amateurs,



Vendredi 30 mars, La Librairie Générale clôture son cycle de dégustations avec la Torréfaction d'Arcachon.

Dès 10 heures venez découvrir la boisson (chaude) offerte à toute personne effectuant un achat à la librairie.

Une invitation pensée sous le signe de l'amitié qui nous lie aux bienveillants officiants de cette institution de qualité.










L'interprétation sociologique des rêves de Bernard Lahire, éditions La Découverte, 25

S’endormir et rêver : personne ne peut échapper au «gardien du sommeil» comme le qualifiait joliment Sigmund Freud. D’ailleurs, le rêve est souvent interprété comme un espace de liberté pour l’individu parce qu’il se déroule en dehors de toute interaction sociale, la rêveuse ou le rêveur pouvant alors laisser voguer son imagination sans contrainte… Cette interprétation du rêve est mise en question par le sociologue Bernard Lahire dans son dernier ouvrage passionnant L’interprétation sociologique des rêves. Par une analyse rigoureuse et limpide, B. Lahire revisite les théories sur les rêves (sociologiques, mais aussi psychologiques, neurobiologiques ou encore psychanalytiques) pour penser un programme scientifique des rêves.
Par son raisonnement implacable et nourri de références, B. Lahire nous montre que le rêve est finalement la continuation de notre vie éveillée par la mobilisation d’un autre langage. Aussi, le rôle du sociologue est de mettre à jour les dispositions enfouies au plus profond des individus et de tenter d’identifier les évènements qui, dans leur vie éveillée, vont déclencher leurs rêves nocturnes. Après la lecture de cet ouvrage, une chose est sûre : on ne peut plus jamais rêver comme avant…
Ceux qui me restent, Damien Marie et Laurent Bonneau, éditions Grand angle, 21.90

Florent est un personnage de bande dessinée fascinant: taciturne, énigmatique et porteur d'un lourd fardeau qui l'empêche d'être heureux. Ayant perdu sa femme très jeune, il a élevé sa petit Lilie comme il a pu, ou comme il a "bien voulu", selon elle. 
Entre souvenirs heureux et drames, la vie de Florent oscille entre deux époques, celle de ses premiers pas de père veuf, et celle de ses vieux jours, enfermé dans un hôpital. On comprend très vite que la maladie s'est emparée de lui à mesure que sa fille a grandi. Aujourd'hui, Lilie est adulte et rend visite régulièrement à son père, pour entretenir un lien auquel elle croit coûte que coûte.
Son père ne la reconnait plus, appelle une petite Lilie qui pour lui est encore une enfant, et non cette jolie jeune femme qui se trouve face à lui. Ses phrases sont confuses, ses mots se font aussi flous que ses souvenirs...
Les gros plans sur les visages meurtris par la vie font de cette bande dessinée un formidable témoignage sur Alzheimer, avec comme lueur d'espoir la persévérance, le courage et le soutien des proches. On termine la lecture de ces planches très émus, avec l'envie de cueillir chaque moment de notre quotidien.



Chefs, tome 3: Stars de la cuisine, éditions Play Bac, 10.90

J'ai énormément aimé ce livre surtout que j'aimerais être cuisinière plus tard, mais nous ne sommes pas là pour parler de moi, mais du livre (surtout que je suis bavarde)...
Les personnages de ce roman sont bien dessinés !
Stars de la cuisine fait un peu allusion à Top Chef et l'écrivain a de l'imagination pour trouver l'idée de l'épreuve .
Suzette est un peu tête en l'air ... Honoré est scientifique. César, quand il peut en placer une, il le fait sans hésitation (ou presque). Asal est un stressé de service. Mandoline est magnifique et, à entendre ce que dit Suzette au début de l'histoire, elle est très forte en cuisine (comme tout les personnages du groupe)...
Je n'imaginais pas une seconde que l'ange gardien était la personne qu'elle est ...
Je trouve que c'est important de mettre les personnages de l'histoire au début du livre !
Ce que je n'ai pas aimé c'est que les personnages parlent en parallèle .
Et j'ai trouvé qu'il n'y avait pas assez de péripéties dans le roman ...
10/10
Anouk Calas, Cm2

Les uns , les autres : Martin PAGE

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.


Cette semaine : Martin PAGE

Romain Gary à Mesquer


On descend à La Baule, qui est une bonne ville pour traîner avec un cadavre. Un taxi nous transporte sur une côte plus sauvage et moins pourrie par les conseillers fiscaux : Mesquer.
Je tire le cercueil sur la plage, face à l'océan sur le sable et les algues. La marée monte peu à peu. Le soleil se lève. J'ai bien fait d'emporter un manteau.
Maintenant : ouvrir le cercueil. Il n'y pas de serrure, pas de bouton. C'est clos de manière à ne pas pouvoir être aisément ouvert. Les concepteurs de cercueils ne sont pas des êtres optimistes.
Je regarde autour de moi. Une coquille d'huître morte. Ça marche. Je l'ouvre en grand. Je ne m'attendais pas à une telle odeur. Je recule d'un bon mètre et je détourne la tête. Ça sent l'orange aux clous de girofle. L'odeur est forte et émouvante.
Les vagues s'écrasent sur le sable une centaine de mètres plus bas. Un couple se promène en se tenant la main.
Je me rappelle un cours de biologie : le corps est constitué à soixante pour cent d'eau. Il y a une amitié des corps pour l'océan, c'est certain. Gary et moi ne sommes pas ici par hasard.
Je me penche sur le cercueil.
Ses yeux sont fermés. Je craignais que sa blessure soit impressionnante, mais ça va, il a été recousu.
Et maintenant qu'est-ce que je suis censé faire ? Je ne vais pas parler à un être inanimé, ça me rappelle trop les cocktails littéraires.
Une formule incantatoire. Il me faut une formule incantatoire.
Les formules magiques sont là, disponibles, personne ne les voit, elles sont légion. Les phrases de tous les jours réveillent les morts, font exploser les cœurs, déclenchent des guerres, mettent des corrompus en prison, envoient des fusées dans le ciel. La langue ravage et construit des mondes. Ce qui compte c'est l'intention, et ça tombe bien je suis chargé en intention.
Je dis : "Romain Gary, réveille-toi d'entre les morts et accepte de discuter avec moi, abracadabra !" d'abord doucement, puis de plus en plus fort. Je lève mes mains au-dessus de ma tête pour tenir le soleil entre mes doigts. Je scande ma phrase vingt et une fois, comme le veut ma religion intime et secrète.
Je m'arrête, essoufflé. Rien ne se passe. Un instant, je pense : "Et si Romain Gary et moi ne nous entendions pas ?" Nous sommes très différents. J'ai peur qu'il soit arrogant et pas très sympa. Il a été diplomate, après tout.
Je m'assois sur le sable. C'est raté. L'occasion d'avoir une discussion avec quelqu'un se solde à nouveau par un échec. Je n'arrive à rien, ni avec les vivants, ni avec les morts.
Le bruit d'un tissu, un frottement. Je redresse la tête. Des doigts apparaissent sur le rebord du cercueil, puis des cheveux, le bout d'un crâne, un visage complet. Romain Gary se lève. Je l'imite. Il regarde l'océan et se passe la main dans les cheveux.
"J'ai soif."

vendredi 16 mars 2018

L'Archipel du Chien, Philippe Claudel, éditions Stock, 19.50

 
Dans le dernier roman de Philippe Claudel tout élément est évoqué, raconté, mais jamais nommé.

Le lieu tout d'abord: "Une île quelconque. Ni grande ni belle. Guère éloignée du pays dont elle dépend mais qui en est oubliée, et proche d'un autre continent que celui auquel elle appartient, mais qu'elle ignore". On peut imaginer que, dans un tel endroit, tout peut arriver. Ou rien du tout, voilà bien le sujet de ce livre: quand arrive le pire, un matin, on fait en sorte de le rendre à néant, lorsque trois corps s'échouent sur une plage de l'île, les protagonistes – jamais nommés- s'empressent en effet de les enfouir sous terre.
Mais voilà, sur cette île, la terre n'est pas comme ailleurs: un volcan endormi gronde de temps à autre, le sol est fait de lave qui assèche le paysage, rend les saisons hostiles.
Revenons à ces personnes: le maire, la Vieille (l'ancienne institutrice de l'île), l'Instituteur (le nouveau), Amérique (l'homme à tout faire), le Spadon (pêcheur d'espadons), et le docteur. Tous sont, ce matin là, témoins gênés de ces trois corps noirs, qui viennent d'on ne sait où, mais dont on sait pertinemment l'origine ou du moins le motif de leur fuite, de leur épopée, et de leur mort.

La vie de ces témoins bascule ce matin là. Bouleversé, l'instituteur fera tout pour rendre justice à ces trois cadavres. Les autres, au contraire, rentrent à la perfection dans leur rôle, celui qui les définit et qui les incite à ne pas sortir du moule, ne pas faire de remous pour ne pas perturber la routine et les traditions de l'île, et donc à la protéger des regards, de l'étranger et de l'inconnu.

Le lecteur est donc balancé entre réalité -nous faisons très vite le lien avec la crise des migrants- et fiction romanesque écrite de main de maître. Nous retrouvons un suspense digne des meilleurs romans noirs, une mise en scène qui pourrait s'apparenter à du théâtre, et nous mettons un pied dans nos vies quotidiennes. Tous ces éléments font de ce roman un grand moment de lecture, qui reste en nous précieusement.
Le monde de Zhou Zhou de Golo Zhao et Bayue Chang'an, éditions Casterman, 17



Article de blog écrit par Anouk Calas


"Cette série de BD est super ! L'histoire est émouvante et ZhouZhou est amusante ...
J'ai trouvé que c'était quand même triste et que c'était un peu dur à comprendre surtout quand l'auteur mélange rêve et réalité.
La maman de ZhouZhou est très belle mais elle ne s'occupe pas assez de sa fille et les cousines de ZhouZhou ne sont pas très gentilles avec elle .
Je n'ai pas aimé le moment où le garçon l'insulte violemment.
ZhouZhou a la vie rude mais elle s'en sort toujours très bien .
La fin est superbe avec le coucher du soleil !
Les dessins sont magnifiques . Je conseille ce livre à ceux qui ont plus de 9 ans ."
Note : 9 /10 
Anouk
Foot-Mouton, Pablo Albo et Guridi, éditions Didier Jeunesse, 13,10


Vous le savez, la coupe du monde de football a lieu en juin. La bande de moutons du livre Foot-mouton, de Pablo Albo et Guridi, n'a pas attendu jusque là pour faire du ballon rond une véritable fête!
Ils sont nombreux: exactement soixante et onze moutons.  Que faire quand il y autant de laine sur patte dans quelques dizaines de mètre carré? Deux équipes de trente-cinq moutons footeux, et un arbitre pour aiguiller tout ça!
On ne vous dira pas comment l'idée leur est venue.Si vous avez l'habitude de compter les moutons avant de vous endormir, imaginez-les désormais avec un ballon aux pattes, prêts à aller marquer le but de leur vie!
Bien sûr, rien ne se passe comme prévu. Le ballon coincé dans un arbre amène les moutons à se creuser les méninges pour l'en sortir (qui a dit que les moutons étaient bêtes?). Et tous les moyens sont bons pour arriver à s'amuser. Jusqu'à ce que...l'ennemi de toujours perturbe leurs tentatives de rompre l'ennui par le sport.

Les moutons, maudits, vont-ils arriver à contourner leur triste sort?
La lecture de cet album est un éclat de rire à partager avec nos tout petits!


Les uns, les autres : Eric NAULLEAU

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.


Cette semaine : Eric NAULLEAU
Ozu à Tokyo

Mon nom importe peu. Et ma date de naissance guère plus. Trêve de coquetterie, si vous tenez vraiment à le savoir, j'ai quarante-trois ans. Le milieu du gué. Trop tôt pour relire Les hommes de bonne volonté ou A la recherche du temps perdu. Trop tard pour comprendre les lois de la relativité ou les règles du base-ball. Et date de fraîcheur intellectuelle depuis longtemps expirée pour espérer apprendre le japonais. Je me contente donc trois fois par heure de désigner du doigt mon flacon de saké à l'attention de la barmaid. Qui pige à tous les coups. Les lampes à suspension balancent si près du comptoir que la presque totalité du café demeure dans l'obscurité - je ne distingue du petit ballet qu'un reflet mouvant dans le verre de ses lunettes et des mains soudain sculptées par la lumière qui escamotent à intervalles réguliers la porcelaine refroidie. S'il arrive que je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule, les veilleuses disposées sur chaque table m'évoquent des feux de camp piqués dans une vaste plaine par quelques tribus nomade. Chaque homme dans sa nuit.

vendredi 9 mars 2018

Le figurant de Didier BLONDE aux éditions Gallimard, 15 euros.

Voici l’histoire d’une rencontre sur le plateau d‘un tournage de cinéma. Cela s’est passé il y a cinquante ans. Celui qui écrit est l’un des protagonistes. Le film en question s’appelle Baisers volés de François Truffaut avec Jean-Pierre Léaud et Claude Jade. La scène se passe dans un bar de la rue Caulaincourt à Paris. Les figurants se font face assis à une table du café tandis que Jean-Pierre Léaud fait son apparition en compagnie d'Harry-Max. Le lecteur saura tout puisque le narrateur était présent en compagnie d’une jeune figurante comme lui. Que peut-on retirer d’une séquence d’un film tourné cinquante ans plus tôt ? La mémoire s’appuie sur les images du film et restitue les sentiments de la rencontre avec une inconnue nommée Judith. Didier Blonde pourchasse des souvenirs à la manière d’un détective sauf qu’il enquête pour son propre compte. Que s’est-il passé entre Judith et lui ? 

L’ombre de Patrick Modiano plane sur Le figurant. Didier Blonde est attaché comme lui à un Paris dont il cherche les traces. Il interroge le patron du bar, revient sur les lieux du tournage et, peu à peu, le fait mineur d’une amourette nous plonge dans les coulisses du cinéma et nous découvrons l’incroyable univers du métier de figurant. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Quels est leur vrai rapport au cinéma ? Didier Blonde remonte le temps de sa jeunesse, de l’affaire Henri Langlois, des mémoires de Claude Jade. Parviendra-t-il à retrouver Judith ? Le ton de la confession autobiographique enveloppe son récit comme un manteau fragile dont on ne sait s’il résistera au temps qui a passé. 


Didier Blonde appartient à cette catégorie d’auteur que la discrétion distingue. Les éclats ne sont pas pour lui mais il demeure dans le décor, il n’est pas essentiel mais il est irremplaçable tout comme l’histoire du Figurant. Une pépite…
Le chantier de Fabien GROLLEAU et Clément C.FABRE aux éditions Marabulles, 17.95


"Architecte, le plus beau métier du monde? Peut-être, mais mieux vaut être vraiment passionné pour ne pas devenir dingue...", nous livre Fabien Grolleau en préface, avant que nous nous lancions dans le monde jubilatoire de cette Bande Dessinée, panorama des différentes étapes d'un chantier chapeauté par une jeune architecte, Flora. Tout juste diplômée, elle se voit confier la réalisation technique d'une villa en bord de mer, à Barcelone. Quoi de mieux que ce projet dans la ville fétiche d'un certain Antonio Gaudi?
Flora va cependant faire l'expérience de l'art du compromis, de la négociation et de la persévérance qui sont essentiels à la  pratique du métier. Ces trois qualités, elle les a, mais cela n'empêchera pas de mémorables scènes de "ras-le-bol", autant d'éclats de rire de la part du lecteur.
Ainsi nous voilà fascinés par le monde de l'architecture, ses fortes têtes, les exigences du client et la minutie des exécutants, en somme, un subtil équilibre qui n'est pas à la portée de tout un chacun. Sous les conseils du grand et délirant "El Rodrigo" pour qui Flora travaille, celle-ci découvre les pièges à éviter pour petit à petit dresser son projet, une magnifique bâtisse organisée autour d'un pin majestueux.
Pour les férus d'architecture et tous les curieux, cette excellente bande dessinée est un pur bonheur de lecture.
Un petit pois pour six, Histoires des Jean-Quelque-Chose de Jean-Philippe Arrou-Vignod 
Illustré par Dominique Corbasson, aux éditions Gallimard jeunesse, 12euros.

 C'est un livre drôle ,qui raconte l'histoire des Jean-Quelque-chose .
J'ai aimé ce livre car il y a de l'aventure et c'est amusant !!!
De Jean A à Jean F tout le monde a ses petites histoires ...
Dans cette magnifique et ( presque ) parfaite famille vous n'êtes  pas près de vous ennuyer une seconde ! Avec les fausses escapades de Jean A à la bibliothèque , les livres pas finis de Jean B et les petits caprices des petits ... les bêtises des Jean ne sont pas terminées !
Note : 9,5/10

Anouk Calas

Les uns les autres : Céline MINARD

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.


Cette semaine : Céline MINARD


Sylvia Townsend Warner à Mynydd Prescelly

J’étais arrivée en avance. En partie parce que le chassagne et le condrieu que j’avais choisis après mûre réflexion méritaient une bonne ventilation, mais surtout parce que j’étais trop nerveuse pour patienter dans la vallée. La cuisine de Ludla suffit d’ordinaire à me plonger dans un état d’expectative fébrile, mais l’annonce de votre visite que j’avais vue mentionnée dans le bulletin de Foxcastle (« Syvia Townsend Warner est attendue sur Mynydd jeudi en huit, Valentine Ackland l’accompagnera ») redoublait mon inquiétude : allait-on goûter ce soir le légendaire soufflé d’écrevisses ? L’occasion était belle. Vous veniez de déchiffrer le manuscrit de la Missa Salve intemerata de Taverner et la recension que vous en aviez donnée au New Yorker avait passionné les gens de Castel Ash Grove, des gens capables de déplacer des montagnes par la puissance de leur chant. Et de flotter dans des baquets d’eau de mer.
Valentine est arrivée avant vous, maigre, un coucou, pantalon anglais fuselé, chemise blanche, accompagnée par un âne gris dont les flancs étaient chargés de paniers remplis d’une grande variété de sherrys et de quelques whiskies sans couleur. Il avait aussi un théorbe en bandoulière, et l’air de quelqu’un qui voit enfin l’étable qu’on lui promet depuis des lustres. Il s’est dirigé de lui-même vers la cuisine qui bourdonnait d’activité, Valentine s’est assise sur le banc à mes côtés le plus naturellement du monde, elle a soufflé en ouvrant son étui à cigarettes qu’elle m’a tendu, et nous nous sommes mises à fumer comme au conseil. Un gros chat blanc se frottait contre nos tibias, son ronronnement nous engourdissait et nous tenait lieu de conversation. Ce fut un moment délicieux.

Néanmoins les marmitons de Ludla ne cessaient d’aller et venir, certains se laissaient aller à courir et à siffler en sortant du cellier. On entendait l’eau bouillir et les bûches péter dans les fours. Le chat nous a abandonnées sans un regard quand il a senti qu’on apportait une jatte de crème qui menaçait de déborder. Et puis, dans le calme qui précède les moments irréversibles dans l' élaboration d’une sauce, vous êtes apparue, Sylvia. A la lisière du bois, vous avez replié vos ailes sans aucune gêne et vous avez gravi à pied le reste de pente qui mène au manoir. Bientôt vous étiez là. Vous portiez des morilles, des peignes, des conserves et une bouteille de vermouth dans un panier tressé. Les chats au grand complet ont répondu à vos hululements et se sont rassemblés autour du banc. Quand ils en ont été réduits à se tortiller comme des algues, il y eut une distribution de sardines. Ils achevaient la toilette complète qui ponctue les repas satisfaisants quand Ludla est sortie de sa cuisine, échevelée, concentrée, vous a pris le vermouth sans un mot et s’en est allée au pas de course en débouchant le flacon. Une aide a emporté aussi les morilles. Qui furent brossées et saisies. Et sans que je m’en aperçoive pour de bon, nous avions commencé à parler tandis que Valentine étrillait un jeune chartreux qui se roulait à ses pieds et bavait de bonheur.

vendredi 2 mars 2018

De colère et d'ennui, Thomas Bouchet, éditions Anamosa

 De colère et d'ennui de Thomas Bouchet aux éditions Anamosa, 18 euros.

En janvier 1832, voici ce qu'on peut lire dans Le National: "Une année difficile vient de se terminer: une année plus difficile peut-être commence".

L'année 1832 est l'objet du dernier ouvrage des excellentes éditions Anamosa, sous une forme très originale: 1832 se déroule mois après mois à travers les voix de quatre femmes: voix épistolaire d'Adélaïde, voix de l'interrogatoire pour Louise, voix du discours pour Emilie, et voix du récit introspectif pour Lucie.

Toutes les quatre - dont le moyen d'expression est le reflet de leur condition sociale, de leurs idées politiques et religieuses - sont autant de témoignages sur les événements de 1832 à Paris : année charnière car elle voit non seulement arriver une épidémie de choléra, mais Paris continue d'être le théâtre d'émeutes, d'insurrections contre Louis-Philippe et la monarchie de Juillet. Le groupe des saint-simoniens, dont fait partie Emilie, repense notamment la place de la femme dans la société.

Car il s'agit bien de femmes dans cet ouvrage, au parfait carrefour entre fiction et réalité. L'auteur Thomas Bouchet (à l'origine aussi du très bon Noms d'oiseaux, l'insulte en politique de la restauration à nos jours), a en effet choisi de décrire le Paris de 1832 grâce à quatre voix qu'il a lui-même imaginées. Adelaïde ne devient pas pour autant un personnage de fiction : craignant d'être atteinte du choléra, elle livre son quotidien dans une correspondance avec son amie, dont le lecteur ne lira jamais les réponses mais qui les devinera à travers les réactions d'Adélaïde, et ce en suivant "comme dans un roman" l'évolution du personnage à mesure des événements parisiens. Lectrice assidue de "La Gazette", elle fait un compte-rendu à son amie des dernières nouvelles politiques, sociétales mais aussi ses coups de cœur littéraires et culinaires. 
Cette légèreté de ton vient contrebalancer celui des trois autres femmes : Emilie, qui manie à la perfection le verbe lors de ses discours en faveur du saint-simonisme, Lucy, jeune femme cloitrée dans le couvent de la rue Neuve-Sainte Geneviève et en proie à des démences, et enfin Louise, insurgée, emprisonnée, sujette à l'interrogatoire de la police. Ces quatre femmes, sensibles et fortes, forment un quatuor de témoins d'une époque plongée dans l'attente, la tension, la douleur et l'ennui.

On peine à croire qu'elles n'ont pas existé. La question n'est plus là : Thomas Bouchet leur donne corps, elles sont bien là devant nos yeux aguerris, toutes quatre à tenter de de se sortir des prisons réelles ou fictives dans lesquelles leur champ de liberté se trouve limité. Au delà d'une lecture passionnante et stimulante, Thomas Bouchet nous invite à dépasser les codes de la fiction pour mieux atteindre la réalité historique.

Grimr de Jérémie MOREAU

Grimr de Jérémie MOREAU aux éditions Delcourt/Mirages, 25,50 euros.

Le dernier festival de Bandes Dessinées d’Angoulême a attribué son Fauve d’or à Jérémie Moreau et a, de ce fait, provoqué une rupture de stock pour quelques libraires, mais voici l’album à nouveau disponible. 

Grimr est un événement visuel, intense qui s’aventure dans un pays qui ne fait pas dans la demie-mesure, l’Islande. 
L’histoire de Grimr est à la hauteur de ce morceau d’histoire inspiré des sagas islandaises. Grimr, jeune garçon ayant échappé de justesse à une éruption volcanique où ses parents ont péri, commence une odyssée dans la lignée des sagas héroïques. 
Un homme, marqué comme lui par la perte de sa famille, reconnait dans sa destinée une légende qui vaut la peine d’être contée. C’est d’ailleurs cet homme qui inaugure le récit. Il lui faut une preuve, des faits avérés pour constituer la saga. Grimr est un orphelin, fait qui déroge à la règle des sagas.
Le XVIIIème siècle fut une époque de misère en Islande que l’empire du Danemark dominait depuis le XIVème. Grimr, roux de son état, échappe, avec une force qui est chez lui démesurée, à des danois. Repéré par un rusé islandais qui lui propose un pacte unissant la force à l’intelligence, Grimr grandit dans la vénération de cet homme qu’il prend pour un père de substitution. 
La cruauté de l’époque alliée aux déchainements des éléments vont se jouer de l’âme sauvage et pure de Grimr. La société islandaise adepte des superstitions censées conjurer la pauvreté se focalise sur Grimr, sur sa puissance et sur une insoupçonnée invincibilité.
Le bonheur à peine aperçu avec Junn est dissous dans la rancœur, la jalousie et la méchanceté qui l’entourent. 
L’Islande maudite, l’Islande sublime apparait dans ses immenses paysages. Une beauté rude dans laquelle l’homme se débat et s’aveugle. 

Jérémie Moreau a puisé dans ce décor une puissance magnifique d’où surgit Grimr, une énigme et une malédiction islandaise.

Chacun son tour, Jérémie Decalf, éditions la Palissade







Le printemps approche! Pour avoir un avant-goût (dans tous les sens du terme) des beaux jours, les éditions La Palissade et leur auteur Jérémie Decalf proposent aux enfants de suivre les aventures d'une gentille petite poire.







Accrochée à son arbre avec ses amies, elle fait la fête de midi à minuit, tous les jours!
Mais voilà, son bonheur ne dure pas. Ses amies tombent de leur arbre, une par une. Tant et si bien que petite poire se retrouve seule...

Elle attend son tour... les jours passent. Alors, elle fait cette chose prodigieuse qu'une petite poire ne fait pas d'accoutumée: elle lève la tête! Et que voit-elle? "Les collines, les arbres, et ce grand ciel bleu".
Elle découvre son environnement, les insectes qui dansent autour d'elle, le tourbillon du vent et le changement des couleurs. Et surtout, elle va croiser la route d'une lointaine cousine qui va lui faire voir la vie autrement.

Petit album carré pour le premier âge, Chacun son tour est un joli apprentissage du changement des saisons, de l'ouverture d'esprit et de la différence.


Les uns , les autres : Franck MAUBERT

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.


Cette semaine : Franck MAUBERT

Isabel Rawsthorne et Alberto Giacometti à Montparnasse, Paris.

Un soir à la brasserie Lipp, où Alberto a son rond de serviette, alors qu'il dîne avec Isabel, Picasso vient se joindre à eux. Lui aussi souhaiterait bien peindre l'Anglaise à l'étrange beauté. Giacometti s'agace et persuade son amie de ne pas se rendre chez Picasso. Il tourne les talons, lâchant "Je sais comment faire". Rien n'arrête l'Espagnol, au contraire il est aiguillonné par ce refus comme un taureau lâché dans une arène. A son tour, il brossera, de mémoire, trois portraits d'Isabel. L'avoir aperçu lui avait suffi. Décidément, Picasso et Giacometti sont deux artistes que tout oppose. L'un impuissant à rendre ce qu'il voit, l'autre à qui rien ne résiste.