vendredi 5 février 2016

Le remplacement de François GARCIA

Le remplacement de François GARCIA aux éditions Verdier, 15,50 euros.

Paco Lorca, le personnage central du Remplacement est un alter ego littéraire de François Garcia qui est  apparu dans un autre roman intitulé Bleu ciel et or, cravate noire. Il s'agissait d'une odyssée inédite dans l'Espagne tauromachique des années 70, aventures réellement vécues par l'auteur.

Hélas pour lui, la destinée de Paco Lorca a pris dans Le remplacement une direction plus au nord; au terrain sec espagnol a succédé l'humidité plutôt froide des marais, et de torero en herbe le voici devenu médecin fraîchement émoulu de la faculté. Ce nouveau statut l'expédie en urgence, dès les premières pages, dans une ferme où il se doit d’effectuer une mission ardue : remplacer le docteur Gloirafeux en congé maladie et se faire accepter par les habitants.

Une simca1000 légendaire qui a remplacé la 4L vacillante de l'épisode précédent sert de Rossinante au docteur dans ses déplacements de campagne comme de ville. Quant à Hélène, la dulcinée du Paco torero, elle hante désormais les pensées du docteur Lorca. Ses apparitions comme ses disparitions pèsent sur le moral de notre exilé qui découvre dans le même temps que les activités politiques de son aimée se sont déplacées sur un terrain dangereux.

La politique est d'ailleurs l'autre grand sujet du Remplacement (aux côtés de la médecine bien sûr).
Nous sommes au temps du giscardisme triomphant qui subit les premiers assauts de la crise pétrolière. On se répand allègrement dans les chaumières du village, Clochemerle n'est pas loin attisé par la rumeur une visite présidentielle chez l'habitant imminente.
François Garcia ne se gêne pas pour nous gratifier de quelques scènes d'anthologie tandis que son alter ego   slalome d'une confession à l'autre recueillie bien malgré lui auprès de ses patients. Rancunes, scandales,  et tromperies, tout y passe. Le docteur, pris entre deux feux, exerce, soulage, guérit, diagnostique et au final se confronte à la misère d'une population engluée aux confins des marais.

En alternance avec cette campagne où les urgences doivent parfois être traitées par bateau, le docteur Lorca est rattaché au service hospitalier de la grande ville. Dans les couloirs et les chambres aseptisés, il cohabite avec des confrères qui, là encore, et par d'autres moyens, le désappointent.

Cette vie tumultueuse, à la fois lointaine et  proche dans le temps, nous saisit. Ce moment revisité et condensé des mœurs françaises est un instant clé qui voit s'éteindre le règne des trente glorieuses. Ainsi, Le Remplacement ausculte cette part de mémoire collective assez peu traité dans le roman français et François Garcia réussit là parfaitement son tableau, sa langue est d'une justesse éblouissante, elle agit comme un filtre et le registre large et varié des voix qu'il utilise conforte toute la puissance et la maîtrise de son style.


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