lundi 27 avril 2015

Mère et le crayon de Josef Winkler

Mère et le crayon de Josef WINKLER aux éditions Verdier.



L'enfance de Josef Winkler s'est entièrement déroulée dans la province autrichienne de Carinthie, dans une ferme laitière des années cinquante. Le petit Josef était l'un des derniers enfants de Maria, sa mère, épouse de Jakob Winkler. Ces prénoms sont écrits assez tardivement dans ce livre autobiographique qui dépeint un mode de vie austère où la figure du père – que l'auteur avait dépeint dans un autre livre – reste, cette fois, à l'écart, plus précisément à l'extérieur du foyer, au travail...

La maison, elle, son intérieur, est sous la responsabilité de Maria maintenant que sa belle-mère, grand-mère paternelle de l'auteur, est (enfin) décédée.

La triple mort de ses frères sur le front russe et yougoslave de la deuxième guerre mondiale,  trois frères "jamais rentrés" sont pour l'auteur, le chagrin muet  de Maria qui revient continûment en opposition  au « Heil Hitler  !»  que la belle-mère éructa un jour lors du passage d'un convoi nazi.  

Ce livre, en tissant l'écheveau familial de l'auteur, fait office de mémoire collective. Si chaque famille détient une histoire singulière, celle-ci est plus ou moins rattachée aux événements historiques et à un mode de vie reconnaissable par tous. 
La Carinthie de Josef Winkler peut paraître archaïque, le dogme du christianisme occupant une place centrale semble, aux yeux d'un lecteur du XXIe siècle, incroyablement lointain  à moins qu'il ne suscite le sentiment inverse et soit construit sur une idée fort peu rassurante.

« Elle ne fréquentait aucun autre foyer du village, ne daignait pas même paraître au presbytère. J'y passais quant à moi, au contraire, plusieurs fois par semaine, pour admirer le Christ sans bras qui était suspendu au mur du grand vestibule glacial, et que deux hommes, autrefois, avaient précipité dans un torrent, et j'en profitais pour lui rapporter les histoires que le curé me racontait. Franz Reinthaler, notre curé, avait repêché, après cet acte sacrilège, le torse du Christ dans la rivière, mais les bras ne furent jamais retrouvés. Les deux profanateurs -me raconta le curé- perdirent leur deux bras à la guerre, durent vivre dès lors avec deux prothèses en bois que prolongeaient des crochets de fer, et, jusqu'à leur dernier jour, ce furent les femmes et les enfants du village qui leur donnèrent à manger. »    

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