samedi 23 novembre 2013

Goethe se mheurt de Thomas Bernhard

Goethe se mheurt de Thomas BERNHARD aux éditions Gallimard, 13,50 euros.

Voici quatre récits inédits publiés par Gallimard de la plume de Thomas Bernhard, quatre offrandes parvenues, pour ainsi dire, d’outre-tombe. Goethe se mheurt, Montaigne, Retrouvailles et Parti en fumée sont ici rassemblés avec pour seule indication, hélas, leur date de publication dans des journaux allemands entre 1982 et 1984.

L’art du ressentiment chez Thomas Bernhard est vite reconnaissable dans chacun de ces textes, le meilleur étant celui où dans un délire d’avant la mort, Goethe réclame la présence de Ludwig Wittgenstein philosophe autrichien né en 1889, soit cinquante sept ans après la mort de l'illustre écrivain allemand.

Les élucubrations et, bien plus encore, les gesticulations des commentateurs entourant Johann Wolfgang Von Goethe creusent un abîme syntaxique de non-pensée ou d’évitement de la pensée d'un comique touchant bien évidemment à l'absurde. Goethe, lui-même, extasié par l'énoncé à venir du doutant et du non-doutant de
Wittgenstein affirme une reconnaissance et une dette pour son successeur absolument irrésistible. Et Thomas Bernhard de ne pas se priver, pour conclure, de rectifier la dernière et célèbre phrase de Goethe agonisant : "Mehr licht ! mehr licht !" librement traduit par "Clarté grandiose ! clarté grandiose !" et qu'il aurait plutôt fallut entendre ainsi : "J’en ai ma dose ! j'en ai ma dose !".

Le texte Montaigne est la quête d’un refuge niché dans une tour où gît, parmi d’autres chefs-d’oeuvre de la philosophie, l'oeuvre des Essais. Ce recours à Montaigne est annihilé par la famille du narrateur que fuit ce dernier dans un ressassement dérisoire, le temps de l’ascension de la tour ralentie par d'immenses toiles d'araignée mais galvanisée par une franche et productive détestation familiale. "Espérons qu’il ne lui soit rien arrivé ! Cette phrase n’était pas de Montaigne, c’était ce que répétaient les miens, qui, au pied de la tour, allaient et venaient en me cherchant".

Retrouvailles renvoie encore à la maudite famille mais développe une forme de libération assénée par un narrateur qui retrouve un ancien ami. Thomas Bernhard se joue de deux familles ayant connu le même type de vacances à la montagne, l’une étant équipée de chaussettes et de bonnets en laine vert pomme et l’autre de chaussettes et de bonnets en laine rouge vif. Cet affrontement stylistique jubilatoire peut rappeler ce qu’Antoine Chatilliez développa en 1988 dans La vie est un long fleuve tranquille avec les Famille Groseille et Le Quesnoy.

Enfin, Parti en fumée relève, avec une méchanceté adéquate, de la parodie du récit de voyage. L’Autriche étant bien sûr la cible de cet écrivain qui a toujours trouvé son inspiration littéraire dans le registre de la détestation.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire