samedi 28 septembre 2013

Toute la noirceur du monde de Pierre Mérot par Olivier de Marc

Toute la noirceur du monde de Pierre Mérot, Flammarion 18€

On a beaucoup parlé de ce livre bien avant sa parution. Accepté puis refusé chez Gallimard, le roman de Pierre Mérot avait été programmé dans la rentrée Stock par Jean-Marc Roberts puis déprogrammé par son successeur Manuel Carcassonne qui l’avait déjà refusé chez Grasset. Finalement le livre vient de paraitre chez Flammarion entaché d’une réputation sulfureuse. Voila pour la cuisine éditoriale.
 
Alors , de quoi s’agit-il exactement ? Du portrait d’une ordure ! Cinquante ans, Jean Valmore, le narrateur, enseignant médiocre, écrivain raté et non publié bascule peu à peu dans la haine et la violence, vire fasciste et s’inscrit dans un parti d’extrême droite. Les premières lignes donnent le ton : « Au fond, jusque-là, ce qui m’avait manqué, c’était de n’avoir pas pris conscience que j’étais une saine pourriture ou, plus banalement, comme beaucoup d’autres, une personne activement immorale, opportuniste, avide, terrestre, se foutant pas mal de ses semblables, douée d’indifférence ou de mépris à leur égard, prête à les écraser pour jouir, faire de l’argent, obtenir des distinctions ou une position dominante quelle qu’elle soit. Oui, à cinquante ans, il était temps que je songe activement à moi, à moi seul ».
 
L’auteur décrit les mécanismes qui peuvent conduire un homme à rejoindre un parti fasciste qui, s’il n’est pas cité, est clairement le Front National. La haine de soi entraine celle des autres. Parfois brillant dans le portrait, le livre souffre néanmoins d’être trop monochrome et manque de densité. La charge frise parfois le loufoque même si hélas des êtres aussi immondes existent. A trop vouloir forcer le trait, on a la sensation que Pierre Mérot est passé à coté d’un grand livre. Il est vrai que décrire toute la noirceur du monde après Céline, Houellebecq ou bien d’autres, n’est pas chose aisée.
 
Olivier de Marc

Rencontre polar avec David Patsouris à la médiathèque

Médiathèque Michel Bézian

RENCONTRE POLARS

SAMEDI 5 OCTOBRE A 11H

Présentation de David PATSOURIS, écrivain journaliste à Sud-Ouest. Son premier roman Cognac Blues vous prend, vous aspire et ne vous lâche plus.
Rencontre animée par Bernard Daguerre de l'association Polar en cabanes.

Renseignements:
Médiathèque Michel Bézian
Allée Mozart
Gujan-Mestras
05 57 52 54 60 biblio@ville-gujanmestras.fr

samedi 21 septembre 2013

Inventaire de la librairie!


ATTENTION !!!!

La librairie sera fermée pour inventaire
Lundi 30 septembre
Mardi 1er octobre
Mercredi 2 octobre matin

Réouverture mercredi 2 octobre à 14h30

Nous vous invitons à prendre vos précautions cette semaine pour venir passer ou retirer une commande avant fermeture.

Nue de Jean-Philippe TOUSSAINT


Couverture  Nue de Jean-Philippe TOUSSAINT aux éditions de Minuit, 14.50 euros.  


Dernière tribulation de Jean-Phillippe Toussaint au pays de Marie, Nue condense et conclue les rapports délicats entretenus avec cette femme insaisissable que le narrateur aura perdue puis retrouvée entre Paris, Tokyo et l'île d'Elbe. Nue récapitule, reconsidère, rectifie, résume une histoire d'amour difficile empreinte d'exotisme et de superficialité. 

Le défilé de mode voulu par Marie, irréel, voué à la catastrophe, en est une exemplaire illustration. Cette robe confectionnée uniquement avec du miel dans l'intention d'être poursuivie par des abeilles lance le roman comme s'il ne devait reposer que sur cette idée. 

Aussi, le vernissage japonais de l'omniprésente Marie (sans qu'elle soit pour autant visible) est l'occasion de faire réapparaître Jean-Christophe de G., l'amant de Marie dont on avait appris la mort dans l'épisode précédent. Le narrateur lave en quelque sorte l'affront de la tromperie et révèle la goujaterie de son rival puis le ridiculise. 

L'épisode parisien amorce un retour sombre et rapide sur l'île d'Elbe où quelques mois auparavant le couple s'était retrouvé. Mais qui est Marie, ce serpent de mer que Jean-Philippe Toussaint tente de cerner ? Une journée sur l'île d'Elbe suffira pour en éclairer la fragilité et l'inquiétude.  

Nue est alors à son meilleur dans cet écoulement automnal qui instaure une atmosphère propre au deuil qui vient d'entacher les jours de Marie. La fin de l'homme qui symbolisait l'histoire de sa famille ouvre dans le même temps celui d'un enfant à venir. Alors le narrateur s'efface, enfin submergé d'amour.

samedi 14 septembre 2013

Comme les amours de Javier MARIAS

CouvertureComme les amours de Javier MARIAS aux éditions Gallimard, 22,50 euros.

Les romans de Javier Marias ont une progression narrative très particulière qui fait office de frein et empêche toute précipitation à la compréhension psychologique de l’âme humaine. Maître Marias s’attache à des histoires qui peuvent mettre à l’épreuve l’impatience du lecteur mais celle-ci est contrecarrée par une nonchalance qui se déploie autour d’un abîme avec lequel le romancier madrilène joue tel le chat avec la souris.
L’observation d’un couple à l’apparence heureuse par une jeune femme installée dans un café déclenche le discours de celle-ci. A distance, elle se repaît de l’amour serein qui se dégage de ces amoureux dont elle se croit invisible et qui, à son insu, la surnomme « la jeune prudente ». Cette retenue, décidée par l’auteur, préserve la jeune femme au moment où le couple dont elle envie le bonheur va sombrer dans la tragédie. En effet, la mort soudaine et incompréhensible du mari va mêler cette spectatrice/narratrice au plus près de l’épouvantable destin du couple par le côtoiement de celui qui a peut-être tout ordonné en un « assassinat, pas davantage ».
Cette citation tirée des Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas est une justification trouble et sidérante dont s’accommode le meurtrier qui désormais occupe toutes les pensées de la jeune femme car les raisons de son crime sont évidemment plus passionnante que le crime lui-même.
De cette odyssée profonde le lecteur ressort marqué et néanmoins heureux d’avoir vogué sur les phrases d’un des écrivains les plus charmeurs de notre temps.

Salon Polar en Cabanes 20, 21 et 22 septembre 2013

Date : 20, 21, 22/09/2013

Larros port de l'’angoisse...

Manifestation littéraire organisée par la Médiathèque Michel Bézian, le Service Culturel de la ville de GUJAN-MESTRAS et l’'association ACHAAB (Les Amis de Chester Himes sur le Bassin d’'Arcachon).
Ce salon du roman noir accueillera des auteurs de littérature policière et de BD, proposera des expositions et des débats.

Téléchargez le
programme Polar en Cabanes 2013

samedi 7 septembre 2013

Trois grands fauves d'Hugo BORIS

  Trois grands fauves d'Hugo BORIS aux éditions Belfond, 18 euros.

Danton, Hugo, Churchill, tels sont les trois grands fauves qu'Hugo Boris a croqué dans ce roman insolite qui traite de la grandeur par le détail et de quelques faits déterminants qui donnent accès à la légende. Hugo Boris n'a pas voulu raconter ces trois vies à la lumière de l’Histoire, il les a pris dans l'enfance voire à la naissance et ses trois grands fauves renaissent et réapprennent à vivre. Danton reçoit à nouveau le coup de corne du taureau, il revoit la tombe de sa femme, il remonte sur l'échafaud. Victor Hugo reprend les séances de spiritismes puis redonne tout son amour à ses deux petites filles. Churchill enfin, sans doute le plus réussi, joue une nouvelle fois à la guerre dans sa chambre à coucher entouré de petits soldats, puis dans les tranchées de 1915 dont il sort indemne. On le voit aussi dans un restaurant munichois en 1932 tout près de rencontrer Hitler et enfin dans un palace monégasque où il répond favorablement à l'invitation stupéfiante d'un admirateur sommelier.
Danton, Hugo, Churchill sont ainsi tenus par un fil tendu par Hugo Boris au-dessus l'Histoire. Ils sont redevenus hommes, leurs lèvres bougent, leur cœur respire. La reconstitution est troublante et l'on pense à peine au travail de l'auteur dont on ne voit nulle trace d'effort.

Une année qui commence bien de Dominique Noguez par Olivier de Marc

Une année qui commence bien de Dominique Noguez, Flammarion, 20 euros

Les amoureux de la littérature connaissent forcément Dominique Noguez. Voila plus de trente ans qu’il publie des romans ou des essais. Couronné par le prix Médicis en 1997 pour L’amour noir, il nous revient en cette rentrée littéraire avec un récit autobiographique.

« Je vais essayer de tout dire. J’ai un retard de lucidité à rattraper, il y a longtemps que j’y pense. » Dans ce récit, il nous raconte sa relation amoureuse tumultueuse avec Cyril, jeune homme aussi beau que cruel, obsédant mais insaisissable. A partir de son journal, de ses photos et de ses souvenirs l’auteur revient sur cet épisode qui a profondément affecté sa vie. Dominique Noguez dissèque cette relation avec une lucidité remarquable. Il décrit sa douleur au scalpel, fait le portrait de Cyril avec ses colères, sa duplicité, et ses supplices raffinés mais aussi procède à la peinture sans fard de l’entourage avec les faux amis, les faux derches et les vrais salauds. Chose admirable, se voulant au plus prés de la vérité l’auteur ne tombe jamais dans la vengeance, ni dans l’amertume. Il évite ainsi l’exhibitionnisme un des travers du genre. L’amour, sous la forme de l’indulgence est encore, malgré tout, présent en filigrane.

Parler encore d’amour à quoi bon me direz vous, « tout est dit et l’on vient trop tard ». Traversé par cette tentation, Dominique Noguez l’évacue rapidement estimant à juste titre que chaque aventure est singulière. L’autobiographie, peut être une entreprise douloureuse mais aussi salvatrice tant l’écriture sert d’exorcisme voir de catharsis. Dans un entretien donné au journal Le Monde, l’auteur déclare : « L’autobiographe est une sorte d’espion qui, à partir de lui-même, nous renseigne sur l’humanité. C’est le mot de Montaigne : Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition ».

On ne peut pas finir sans souligner la maitrise absolu de la langue qui fait de ce livre une réflexion et le récit superbe d’un amour fou : « L’effort qu’il m’a fallu pour faire ces révélations( …), m’arracher la peau et montrer ma vie écorchée n’est pas mince, lui. Il me perd et me sauve à la fois, et, qui sait, le lecteur avec moi». Par la même, on peut encore vérifier à quel point la littérature tout comme la lecture peuvent parfois être source de consolation.

Olivier de Marc