vendredi 26 octobre 2012

A propos de François GARCIA : Revue de presse (2) (à la librairie samedi 3 novembre à 15 h00)

   Spirit, n°48, mars 2009
   Docteur Garcia et mystère François
   par Olivier Mony

   C’est l’histoire d’un homme qui rêvait d’être un homme. C’est-à-dire, pour lui, en soigner d’autres, écrire des livres, affronter des taureaux. Aujourd’hui, cet homme est médecin, écrivain et publie un roman, Bleu ciel et or, cravate noire, éducation sentimentale et tauromachique, sur une jeunesse passée au soleil éclatant de l’arène, d’un côté à l’autre des Pyrénées, quand l’erreur et la vérité jouent à cache-cache. On a peine à imaginer que cet homme, François Garcia, ait été un jour enfant. Les enfants sont légers et brutaux. Lui, semble trop lesté de gravité et de douceur pour avoir jamais pu prétendre à ces verts paradis. Pourtant, à bien y regarder, cette bizarre inquiétude et cette intranquillité sont bien celles d’un enfant.

   Pays d’enfance
   Il y eut donc, des jeudis après-midi en famille. C’était quelque part dans le quartier des Capucins où les failles de l’Histoire et les fruits et primeurs avaient disséminé les Espagnols de Bordeaux. C’était au temps de « Chaban-sur-Garonne », un temps où l’avenir n’était pas un gros mot. Le petit François baguenaude entre le commerce de ses parents et ses grands-parents maternels plus bourgeoisement installés du côté de la basilique Saint-Seurin. Entre Parc Bordelais et Jardin Public, l’école rue Deyries et, plus tard, le lycée Montaigne, les vacances à dévorer les titres de la collection Rouge & Or, puis Saint-Ex ou La Condition humaine et celles passées à Andernos à pêcher la loubine (ou des bigorneaux, des esteys et des crabes) en compagnie d’un vieil instituteur.

   Espagnes
   Que l’on ne compte pas sur François Garcia pour entamer la complainte du pays perdu. On peut vivre et grandir aux Capus sans vouloir aliéner sa liberté avec des histoires de racines. Garcia n’est espagnol que si de l’être est avant tout un état d’esprit. Et aussi dans la mesure où la jeunesse a besoin d’horizon. Il faudra attendre ses quinze ans pour que naisse l’envie d’Espagne. À vrai dire, tout plutôt que le mufle hideux de l’ennui bourgeois qui rôde. Alors, les taureaux, pourquoi pas ? Une première corrida, L’oreille d’or aux arènes du Bouscat, le visage d’un jeune torero blessé dans le lobby du Maria Cristina à Saint-Sébastien et, enfin, une nuit à Pampelune où le jeune François, solitaire par tempérament, comprend que certains peuples imaginatifs inventent des façons d’être ensemble.

   Soigner
   Et donc, il y aura la médecine. Non par revanche sociale, mais pour éprouver là aussi, ce « convivium », ce vieux parfum d’humanité. Il n’y a de médecine que tournée vers autrui. Le reste est affaire de clercs. Pour lui, ce fut vrai à l’hôpital, au cœur de la Vendée profonde, dans son cabinet de la rue de Bègles et aujourd’hui rue Vital-Carles face aux vitrines de la librairie Mollat… La médecine est un ars vitae. Elle a ses stylistes et ses tâcherons. De Céline, qui s’y entendait : « musicien raté, médecin raté, écrivain raté, c’est déjà pas si mal. »

   Écrire, dit-il
   Ah, le dur désir d’écrire ! Aimable lubie, pensait-on, chez les mieux intentionnés. Écrire, c’est rester seul (dans un songe mouvant et peuplé). Notre homme dit avoir toujours écrit. En douce, par effraction. Les plus anciens se souviennent de quelques textes joliment troussés dans les pages d’une défunte revue taurine bordelaise. Deux ou trois (très) proches de tours de chauffe poétiques sous l’invocation de Saint-John Perse, Bonnefoy ou Reverdy. Mais, le roman ? Vous n’y pensez pas. Lui, si…

   Jours de marché
   La belle affaire. Un bonheur n’est jamais complet s’il ne fait en prime le malheur de quelques imbéciles. Pour ceux-là, ce n’était pas possible. Pas possible que ce petit toubib toqué de taureaux puisse en ces premiers jours de l’an 2005 publier un roman, Jours de marché, dont le succès critique et public l’impose comme l’une des nouvelles voix de notre littérature. Pas lui, pas avec ça. Ça : papa, maman, la bonne et moi, et tout ce joli monde (les aïeux aussi, et surtout) sur le pavé des Capus, Atlantis enfin révélée. L’auteur, lui-même, navigue un temps entre le zig de la joie et le zag du doute. Mais la reconnaissance de ses pairs emporte le morceau. Chantal Thomas, Stéphane Audeguy lui disent leur admiration comme ses premiers lecteurs, Emmanuel Hocquard et Jacques Abeille, Yves Harté, ami de longue date, le peintre Claude Bellan, compagnon de route, et Françoise bien sûr, sa femme, conservateur en chef au Musée des Beaux-Arts, « alter égale » que les égos encombrent.

   Bleu ciel et or, cravate noire
   Le plus dur restait à faire. Confirmer. Prouver que l’on n’est pas l’homme d’un seul livre. Surprendre, mais rester dans son sillon, car l’on ne chante jamais que dans son arbre. Ce sera donc l’Espagne encore, comme un lancinant regret, la jeunesse, terre de haute solitude et le deuil des taureaux. C’est surtout une langue pour dire encore la beauté du monde et le chagrin de sa promesse non tenue. Quelque chose comme, en ses premières lignes : « Tu sens la fraîcheur ? j’ai demandé à Pascal, des senteurs envahissaient la voiture en même temps que nous grimpions et, dans les derniers lacets du col, un plateau d’herbes sèches et de roches a laissé la R8 nue dans la lumière, asphyxiée par l’effort, nous y voilà ! a dit Moreno. » C’est reparti, mon kiki…

   Le ciel au-dessus d’Hossegor
   Quand il écrit, François Garcia, que ne dégoûtent pas les rituels, se tient dans des chambres aux volets clos ou au fond de cafés bruyants. Parfois, il prend sa Lancia, embarque famille, guitare et manuscrits pour Hossegor. Le temps de vérifier que pas plus que lui, le ciel au-dessus du lac, l’océan, les pins, ne sont calmes. Il sait aussi qu’on a l’éternité pour se tenir tranquilles.

Le jeu des ombres de Louise ERDRICH

Le jeu des ombres de Louise ERDRICH aux éditions Albin Michel, 19euros.

L’histoire du couple élaboré par louise Erdrich, au moment où débute le roman, est entachée par la suspicion que porte la femme sur son mari. Celle-ci rédige, comme le fit notamment avant elle un certain Leon Tolstoi, deux journaux intimes, l’un pour son mari, l’autre pour elle-même.
Ce couple artiste (lui est peintre  et elle pose encore parfois pour lui) avec leurs enfants comme témoins du délitement en cours, cherche une issue à la problématique de la séparation.
Pourtant, plus le lecteur s’enfonce dans la mosaïque proposée par Louise Erdrich, plus les atermoiements de l’héroïne qui souhaite quitter son mari, deviennent émouvants. Le courage ne suffit pas toujours pour clore des années de vie commune, beaucoup d’incertitude sur la nature de l’amour remettent à plus tard la décision et, lorsque celle-ci survient, la « partie adverse » se bat de toutes ses forces pour en empêcher les fatales conséquences.
L’exercice auquel s’est livrée Louise Erdrich lorgne fatalement vers l’immense Ingmar Bergman quand Scène de la vie conjugale s’imposa au monde.
Louise Erdrich appose un versant féminin tout en nuance et fragilité. La sincérité d’une femme est ainsi mise à nue.

vendredi 19 octobre 2012

A propos de François Garcia : Revue de Presse (1) (à la librairie le 3 novembre à 15h00).

   L’oreille et la plume
   par Alexandre Fillon (article paru dans le livres hebdo du 27 avril 2012)

   Ancien torero, médecin généraliste, François Garcia publie son troisième roman avec la guerre d’Algérie en toile de fond.

   En sortant de la librairie Mollat, à Bordeaux, il faut prendre garde au tramway. Devant un immeuble situé juste en face, rue Vital-Carles, une plaque indique : « Cabinet de médecine générale, homéopathie, acupuncture, sur rendez-vous. » Le docteur qui y reçoit se nomme François Garcia. Dans sa bibliothèque, outre des ouvrages médicaux, on repère des livres d’un autre médecin, António Lobo Antunes, ou de Pierre-Jean Jouve. Celui qui signe chez Verdier son troisième opus, Federico ! Federico !, écrit depuis l’adolescence mais a publié sur le tard.
   François Garda explique pourtant avoir toujours voulu être médecin et écrivain – ses favoris en la matière restent Louis-Ferdinand Céline et Anton Tchekhov. À dix-huit ans, il décide aussi d’être torero. Rêve qu’il réalise pendant une décennie, au début des années 1970, partant sur les routes d’Espagne pour aller se prendre « une rouste » à Valence. Comme il l’a raconté dans Bleu ciel et or, cravate noire (Verdier, 2009). L’Espagne, c’est une affaire de famille. La sienne, du côté de son père, est arrivée en Gironde au 19e siècle. Le jeune François, lui, a vu le jour à Bordeaux en 1951. Il a grandi près du marché des Capucins, avant d’être interne à La Rochelle, songeant alors à rédiger une thèse sur « la métaphore médicale chez Marcel Proust ».
   Adolescent, il griffonne déjà une « mauvaise poésie » trop ampoulée et influencée par Saint-John Perse. À 20 ans, n’arrivant pas à ses fins, il renonce à prendre la plume. Près de vingt ans plus tard, conscient de ne pouvoir vivre sans écrire, il décide heureusement de se remettre à l’ouvrage – au moment où il recommence également à pratiquer la tauromachie en amateur –, tiraillé par l’envie de saisir la richesse d’une communauté populaire.
   Après avoir tâtonné, il trouve « un ton et un rythme ». Le manuscrit de Jours de marché, il le passe aux écrivains Jacques Abeille et Emmanuel Hocquard qui l’encouragent à persévérer. Puis il l’adresse à P.O.L., qui hésite et ne le prend finalement pas. Liana Levi l’accepte et le publie en 2005. Premier roman remarqué, repris depuis dans la collection « Piccolo », Jours de marché lui vaut la bourse Thyde-Monnier de la SGDL, une belle presse et une édition en France Loisirs. Chez Mollat, il s’en est écoulé pas moins de 2000 exemplaires.

   Écouter et comprendre. Son auteur revendique l’usage d’une langue parlée, avec beaucoup d’incises et de dialogues, sans toutefois tomber dans le procédé. Passionné par les études de caractères, il cherche à restituer le quotidien de gens qu’il a pu croiser, à rendre compte d’une réalité sociale. Peu sensible aux taureaux, Liana Levi refuse ensuite Bleu ciel et or, cravate noire. Un « road-movie picaresque » qui montre « jusqu’où peut aller une vocation », peint l’après Mai 1968 et les dernières années du franquisme. Le texte sortira finalement dans la collection « Faenas », dirigée par Jean-Michel Mariou chez Verdier. La maison de Lagrasse, il y récidive avec Federico ! Federico ! qui a demandé une solide documentation et trois années de labeur.
   Parti de « la voix de l’enfance », François Garcia ne pensait d’abord pas parler de la guerre d’Algérie. Des images de types en sang dans les rues de Bordeaux quand il avait sept ans lui sont revenues en mémoire. Le romancier a relu Le premier homme de Camus, les Bloc-notes de Mauriac. Il a rencontré un politicien anticolonialiste ayant fait son devoir de soldat en Algérie, un Algérien proche du FLN. Épuise, le soir après une journée de travail, François Garcia se lève la nuit et prend des notes. Au petit matin, dans un café, il remplit ses carnets jusqu’à 8h30, prépare ses scènes, corrige beaucoup.
   Cet homme élégant dit prendre le temps d’écouter et de comprendre. Ses patients comme ses personnages. Amateur de sport en général et de football en particulier, il avoue une préférence pour les Girondins et pour Manchester United. Tout en se souvenant d’avoir été au stade Bernabéu avec son père en 1965, ou d’avoir assisté à un mémorable Ajax-Buenos Aires dans une ambiance de hooligans en 1973. Son prochain livre est entamé, bien qu’il ne sache pas encore dans quelle direction s’engager. Parions qu’il s’agira à nouveau d’une comédie humaine avec sa part d’humour et de tragique.




 

Nemesis de Philip ROTH par Monsieur Roudoudou

Nemesis de Philip Roth aux éditions Gallimard, 18.90 euros.

 " Roman sur la culpabilité, celle qui rongera toute sa vie Bucky Cantor, d'abord parcequ'il ne pourra partir combattre à la guerre (à cause de sa vue) puis parcequ'en tant que prof de sport, il verra tomber malade un par un de la polio des jeunes gens en pleine force de l'âge sur son terrain de base-ball, et enfin parceque sa nouvelle fiancée le suppliera de venir la rejoindre pour fuir désormais ce terrain maudit puis tout son quartier mis en quarantaine. Lorsque l'on aura précisé qu'il s'agit d'un quartier juif, le parallèle et l'écho sont des plus évidents et cette indélébile souffrance qui le hantera : pourquoi eux, pourquoi ces jeunes innocents, avait-il le droit d'aimer, d'être aimé, d'être heureux avec autant de souffrances autour et s'il était atteint lui aussi, en serait-il soulagé ?"

Manège de Rodrigo REY ROSA



Manège de Rodrigo REY ROSA aux éditions Gallimard.

Cela se passe au Guatemala, pays lointain et mystérieux dont Rodrigo Rey Rosa pourrait bien être le seul écrivain aujourd’hui traduit en français.
De ce fait, dans la plupart de ses livres apparaît ce pays au contenu étrange par ses paysages et surtout par le comportement de ses habitants.

Manège n’échappe pas à la règle et propose une énigme qui entoure la mort d’un cheval de race exécuté en signe de représailles envers une famille à la fortune douteuse.
Un écrivain qui se nomme Rodrigo Rey Rosa s’emploie à relater l’histoire telle que la lui présente un avocat ami de son père avec lequel il a assisté au grand banquet donné par la famille propriétaire du cheval avant que celui-ci n’aboutisse au coup de feu annonçant la mort de l’équidé.

Cette connaissance l’introduit plus encore auprès de cette famille au prétexte que cela constituerait une bonne histoire. Et avec insistance, il va se charger de le lui  prouver.
Mais les explications fournies sur la mort du cheval provoquent des réticences chez le narrateur Rodrigo Rey Rosa qui accepte difficilement le récit de l’avocat cousu de fil blanc.

L’enquête prend alors une ampleur inattendue lorsque, se rendant à la propriété des richissimes fermiers, Rodrigo Rey Rosa voit un piège se refermer sur lui et constate qu’un théâtre improvisé se constitue devant lui et menace son intégrité.

Habile et faussement simpliste, Manège se déplace dans un univers très calme et par endroit dérangeant. La manipulation qui est à l’œuvre confirme que cette « bonne histoire » est une illusion, un basculement de la vérité qui est maintenu sur l’ensemble du roman et qui amplifie plus encore le mystère régnant sur le Guatemala.

vendredi 5 octobre 2012

Tous les diamants du ciel de CLARO

Tous les diamants du ciel de CLARO aux éditions Actes Sud, 20 euros.


D’abord il y a ce début, inouï, rêvé.. En 1951 à Pont-Saint-Esprit au mois d’août, Antoine, mitron de son état, sommeille lors d’une nuit de cuisson du pain qui au matin devint trop cuit. Dans son immense mystère, il procurera à tous ceux qui le consommeront, soit une partie importante de la population spiripontaine, des délires insensés, tous différents et qui vaudront une multitude d’internement et l’incompréhension générale des autorités.

La suite, Claro la compose à la façon de celui dont il ne peut renier l’influence, Thomas Pynchon him-self, puisqu’il en est l’éminent traducteur.
Antoine, lui-même victime d’hallucinations, devient le porte drapeau d’une histoire secrète de la France remaniée par la CIA.
Et c’est donc à New-York que Lucy entre en scène en tant que junkie quasi adolescente sauvée in extremis par son futur pygmalion dénommé Wen Kroy, agent trouble qui l’instruira de ses premières leçons issues des services secrets.

Le roman, toujours prêt à franchir la ligne, perpétuellement névrotique, s’enracine dans les profondeurs oubliées de l’histoire récente de notre pays et offre en retour une magnifique romance entre Antoine et Lucy dont les destins s’entrecroisent dans un des premiers sex-shop parisiens. Tout le style de Claro tient dans cette brûlante et romantique chevauchée qui finira par nous ramener définitivement au lieu étrange de Pont-Saint-Esprit.